Portée par l’atelier parisien d’urbanisme (apur), cette étude a été réalisée dans le cadre d’un partenariat impliquant les rectorats de Paris, de Versailles et de Créteil, le bureau de la prévision scolaire de la direction des affaires scolaires de la ville de Paris, la direction régionale Insee Île-de-France et la cellule technique de réflexion et d’aide à la décision (ctrad) des caisses d’allocations familiales de l’Île-de-France.
Alors que les départs des citadins des grands centres urbains vers les villes moyennes ou les communes rurales ont alimenté de nombreux débats, ce travail vise à objectiver les tendances résidentielles post-crise sanitaire à l’échelle du Grand Paris. Pour cela, l’approche partenariale a permis de croiser différentes sources de données récentes à plusieurs niveaux d’analyse, afin d’estimer l’intensité des flux de mobilité entrants, sortants et internes à la métropole du Grand Paris et d’apporter des éléments de connaissance quant au profil des ménages concernés et à l’impact local de ces migrations.
Quatre parties composent l’étude. La première s’appuie sur les recensements de la population 2013 et 2018, sur la dernière enquête annuelle de recensement disponible (2022), ainsi que sur les informations du fichier Fideli 2021 (données fiscales permettant d’approcher le niveau de vie des ménages). Réalisée en lien avec la direction régionale de l’Insee Ile-de-France, cette partie fournit des éléments de cadrage quant à l’évolution du taux de mobilité résidentielle et du solde migratoire dans la métropole du Grand Paris. La seconde partie repose sur des analyses réalisées par la ctrad à partir des bases de données des caisses d’allocations familiales d’Île-de-France. Elle porte spécifiquement sur les déménagements effectués par les foyers allocataires du Grand Paris au cours de la période 2017-2022. La troisième partie est consacrée aux mouvements résidentiels des élèves scolarisés dans les écoles du 1er et du 2e degré au sein du Grand Paris. Elle a été réalisée par l’apur, à partir des données des rectorats franciliens sur la période 2019-2021. Enfin, la quatrième partie présente une synthèse croisée des différents résultats de l’étude.
Cette synthèse met en exergue la hausse des mobilités résidentielles en 2021. Celle-ci n’a toutefois pas été durable, puisque 2022 marque un retour à des taux en deçà de ceux observés en 2019 et sans doute la reprise d’une baisse des mobilités engagée avant la crise sanitaire. Cette crise et le développement du télétravail n’ont finalement pas remis en cause la faible propension à la mobilité des habitants du Grand Paris. En revanche, ces phénomènes ont eu quelques effets sensibles sur le profil des ménages mobiles et sur leurs lieux de destination. Alors que la part des jeunes a baissé parmi l’ensemble des mobiles, le poids relatif des cadres et des propriétaires parmi les sortants du Grand Paris a augmenté. Dans l’ensemble, la tendance centrifuge des migrations s’est renforcée : les flux de Paris vers la petite couronne ont augmenté et le solde migratoire de la métropole du Grand Paris s’est dégradé, principalement sous l’effet des départs en province. Même si le nombre de ménages quittant la métropole pour s’installer dans des petites aires urbaines ou des communes rurales a augmenté, les mobilités sortantes ont principalement eu pour destination les autres grandes aires urbaines françaises.
Focus sur les mobilités résidentielles post-crise sanitaire des foyers allocataires de la métropole du Grand Paris
En 2022, 1,45 million de foyers étaient couverts par les caisses d’allocations familiales au sein de la métropole du Grand Paris. Parmi ces derniers, 13,8 % ont déménagé. Après une hausse de la mobilité en 2021 (14,8 %), ce taux marque un retour à un niveau pré-crise sanitaire. Si les déménagements de proximité restent majoritaires (2/3 des foyers mobiles se maintiennent dans la métropole du Grand Paris), les migrations observées depuis 2020 sont caractérisées par une augmentation des départs vers la province, en particulier à destination des aires urbaines de plus 200 000 habitants. Tous les foyers ne sont toutefois pas concernés de façon équivalente par cette dynamique. Les ménages aux revenus les plus faibles ont davantage tendance à rester dans le Grand Paris. À l’inverse, ceux aux revenus moyens sont surreprésentés parmi les sortants. On constate par ailleurs une rupture à partir de 2021 en ce qui concerne les familles avec enfant(s) aux revenus plus élevés : auparavant peu mobiles, celles-ci déménagent davantage depuis la crise et sont plus enclines à quitter l’Île-de-France.
Un travail de modélisation permet par ailleurs de confirmer que les foyers allocataires ont de plus en plus tendance à quitter le Grand Paris lors de leurs déménagements. Engagée depuis 2017, cette dynamique s’est accentuée avec la crise sanitaire. Les modèles construits montrent également que, si les couples avec enfant(s) et les foyers aux revenus moyens ou supérieurs déménagent moins que les autres, ils ont en revanche plus tendance à quitter la métropole lorsqu’ils changent de logement.
Ces différents résultats se répercutent sur la distance parcourue par les foyers dans le cadre de leurs déménagements et sur leur éloignement à Paris. Ces deux indicateurs ont globalement augmenté depuis 2017, avec un pic en 2020-2021. Les familles avec enfant(s) constituent la catégorie de ménage qui s’éloigne le moins de son ancien logement et de Paris suite à une mobilité. Cependant, la crise sanitaire a largement infléchi cette tendance en ce qui concerne les familles aux revenus moyens et supérieurs. Initialement très faible, l’éloignement médian à Paris des familles au niveau de vie élevé a triplé entre 2018 et 2022. Au contraire, les distances parcourues et l’éloignement des familles aux revenus inférieurs ont peu évolué depuis la crise.
Enfin, l’étude montre que les départements de la grande couronne francilienne constituent toujours les premières destinations des mobilités sortantes du Grand Paris. Cependant, leur poids diminue depuis 2019. À l’inverse, les départements limitrophes de l’Île-de-France (notamment l’Oise, l’Eure-et-Loir, le Loiret et l’Yonne) attirent un nombre croissant de familles originaires du Grand Paris, en particulier celles ayant des revenus moyens. Dans l’ensemble, l’attractivité des métropoles de l’ouest (à l’exception de Nantes), de la Bretagne, du pourtour méditerranéen, des Alpes et des régions Centre et Bourgogne–Franche-Comté s’est renforcée.